Sans qu’on ait jamais douté de leur existence, les trous noirs ont pourtant résisté pendant près d’un siècle à l’observation, rechignant à livrer aux astrophysiciens une preuve définitive de leur existence.
La découverte des ondes gravitationnelles formées par deux trous noirs géants à l’autre bout du Cosmos ont certainement mis fin aux spéculations. Sans que ces objets massifs perdent un chouia de cette aura mystérieuse qui continue de fasciner la science (fiction).
La lumière est faite sur les trous noirs
Théorisée au début du XXe siècle par les équations d’Albert Einstein, l’existence des trous noirs n’a pourtant été validée que bien plus tard, autour des années 70/80. Et, en réalité, elle n’a été prouvée que très récemment : c’est la découverte des ondes gravitationnelles qui, par effet d’écho, a confirmé la présence des trous noirs dans l’univers.
C’est que, pour la première fois, ces objets massifs ont pu être « observés » au dernier moment de leur rapprochement, à travers le signal formé par leur fusion, ainsi que nous l’explique le physicien Thibault Damour, spécialiste de la relativité générale, dans cet article. Auparavant, toutes les preuves que nous avions de la réalité des trous noirs étaient seulement indirectes.
Comment expliquer que ces astres soient restés si longtemps hors de notre portée ? Que leur existence même n’ait pu être confirmée qu’en 2016, alors qu’on « sait » qu’ils existent depuis plus d’un siècle ? Avant de répondre à cela, essayons de définir ce qu’est un tel objet.
Qu’est-ce qu’un trou noir ?
Un trou noir se définit comme étant une « concentration de masse-énergie si compacte que même les photons ne peuvent se soustraire à sa force gravitationnelle » (source : Futura-science). Autrement dit, il s’agit d’un objet flottant dans l’espace qui absorbe tout ce qui l’entoure, y compris les particules de lumière, raison pour laquelle on lui a donné le nom de trou noir : il est invisible.
Cet objet est caractérisé par l’existence d’un horizon, sorte de point Godwin physique au-delà duquel on ne voit plus ce qu’il se passe, car même la lumière est alors allée trop loin et ne peut plus s’échapper. Au centre se trouve hypothétiquement la singularité, démontrée par les calculs d’Einstein : un point qui ne répond plus aux règles physiques conventionnelles, et dont on ne sait rien.
Les trous noirs se forment lorsque certaines étoiles meurent et s’effondrent sur elles-mêmes. Il faut pour cela qu’elles soient extrêmement massives, au moins 40 fois la masse du Soleil. Il en existe même des occurrences supermassives, de plusieurs millions de fois celle de notre étoile : au centre de la Voie Lactée se trouverait ainsi un trou noir supermassif.
De la théorie à l’observation
Si le terme « trou noir » n’a été inventé qu’en 1967 par le physicien américain John Wheeler, son existence théorique remonte aux équations d’Einstein sur la relativité générale. C’est à travers leur résolution qu’apparaît le concept de singularité gravitationnelle, ce qu’on estime aujourd’hui être le point central du fameux objet.
La science du trou noir doit énormément à l’astrophysicien et prix Nobel Subrahmanyan Chandrasekhar, qui au début des années 30, en annonçant qu’une étoile qui avait épuisé son carburant nucléaire devait s’effondrer sur elle-même, avait prédit la formation de ces astres gloutons.
C’est Robert Oppenheimer, George Volkoff et Hartland Snyder qui ont plus tard fait aboutir cette théorie : une telle étoile, si elle est assez massive, deviendra un trou noir. Dans les années 70 et 80, le célèbre Stephen Hawking lui aussi apportera sa pierre à l’édifice. Il consacrera d’ailleurs une partie de son best seller Une brève histoire du temps à cette question.
C’est précisément pour ses travaux sur les trous noirs dans les années 70 que Chandrasekhar a, en 1983, été couronné par le prix Nobel de physique. Détail amusant : Carl Sagan, futur auteur du roman Contact (où l’on rencontre des trous noirs un peu spéciaux appelés « trous de ver ») et d’ouvrages de vulgarisation sur l’astrophysique, a été l’étudiant de Chandrasekhar.
Détection des trous noirs
Alors, comment a-t-on pu, tout au long du XXe siècle, détecter ces énormes astres cosmiques s’il est impossible de les observer directement ? Indissociables de la voûte céleste étant donné leur absence de couleur, il a fallu ruser pour parvenir à repérer ces ignobles mangeurs de photons.
Pour ce faire, les astrophysiciens ont cherché à détecter les phénomènes astronomiques engendrés par les trous noirs, notamment leurs émissions de rayons Gamma et d’ondes radio. L’autre solution consistait à prendre en compte les perturbations (nombreuses) qu’entraîne la présence d’un trou noir : celui-ci est comme une boule de bowling posée sur un drap en suspension.
La découverte des ondes gravitationnelles va offrir au monde scientifique un champ d’observation inédit et extraordinaire. Pour en savoir plus sur les méthodes de détection des trous noirs, vous pouvez lire cette notice très bien faite (qui s’arrête cependant aux ondes gravitationnelles).
Fascination cosmique
Aussi fascinants que mystérieux, les trous noirs ont toujours été des paradoxes pour la science-fiction cinématographique : comment représenter quelque chose qu’on ne voit pas ? Nombreux s’y sont essayés, depuis l’empire Disney (Le Trou noir, 1979) jusqu’à Christopher Nolan (Interstellar, 2014), en passant par Zemeckis (Contact en 1997 et ses trous de ver).
Peut-être l’observation directe va-t-elle mettre un terme aux spéculations qui ont abouti à des figurations visuelles aussi inventives. Quoi qu’il en soit, nul doute que le trou noir, découvert après une longue partie de cache-cache, visible ou non, continuera d’ensorceler l’imaginaire scientifique et romanesque pour longtemps encore.