Souvenez-vous : en juillet 2012, tous les médias de France faisaient leurs gros titres sur un objet bizarre au nom exotique, le boson de Higgs. L’appareil qui a permis cette observation, le Grand collisionneur de hadrons (LHC), a fait la une des journaux aux côtés de la fameuse particule. Et vous vous êtes dit : mais bon sang, un collisionneur de hadrons, mais qu’est-ce que c’est que cette bête là ?
Le boson de Higgs est CERNé !
Le monde de la physique est décidément un pays étrange rempli de territoires fantasmagoriques – le Grand collisionneur de hadrons – et de populations aux noms dépaysants – boson de Higgs. On se croirait dans un film de science-fiction. Ou mieux : dans la série The Big Bang Theory. La jolie voisine blonde en moins.
Lorsque, le 4 juillet 2012, le CERN (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire) annonce que les expériences ATLAS et CMS ont observé une nouvelle particule aux caractéristiques compatibles avec celles du boson de Higgs, vous n’avez certainement pas sauté de joie comme l’ont fait les physiciens du monde entier. En réalité, vous n’avez sans doute rien compris à ce cirque.
Même quand, un an plus tard, les théoriciens dudit boson ont reçu le prix Nobel de physique pour leur découverte, parce que leur théorie a été confirmé après des décennies de recherches, vous avez opiné du chef sans avoir bien tout saisi.
Si vous le dites, doc
Mais ce n’est pas grave : peu de gens dans le monde saisissent la totalité des implications de cette découverte majeure. Le boson de Higgs, en gros, c’est la particule qui attribue leur masse aux autres particules présentes dans l’univers, par une sorte de frottement auquel elles sont plus ou moins sensibles. De la même façon que des liquides s’écoulent plus ou moins vite selon leur viscosité.
Depuis 2012, les scientifiques du CERN multiplient les expériences qui tendent à confirmer que leur particule est bien le boson de Higgs, tel que prédit par le Modèle Standard. Le Modèle Standard, c’est cette théorie qui décrit les particules fondamentales de la matière et comment elles interagissent entre elles. Pour la validité de ce modèle, le boson faisait figure de chaînon manquant.
Mais qu’importent tous ces noms et expressions compliqués ! Si l’annonce autour du boson a eu au moins un mérite, c’est d’avoir révélé à tous ceux qui l’ignoraient l’existence du LHC. Ou comment les scientifiques ont enterré un très gros tuyau de 27 km de long sous les Alpes suisses sans que vous ayez eu conscience de son existence.
Le Grand collisionneur de hadrons est rond, rond, rond
Le LHC (appelons-le par son diminutif) est un accélérateur de particules, le plus grand et le plus puissant actuellement en activité. Il consiste en un anneau principal de 27 km de longueur enterré à 100 m sous terre. Par « hadron », on entend un composé de particules subatomiques, constitué de quarks et de gluons.
Mais d’abord, qu’est-ce qu’un accélérateur de particules ? Comme son nom l’indique fort bien, cet instrument donne un coup de pied suffisamment fort aux particules pour qu’elles se déplacent à toute berzingue dans un anneau jusqu’à rentrer en collision les unes avec les autres.
Pour ce faire, l’accélérateur utilise des champs électriques ou magnétiques qui servent à communiquer de l’énergie aux particules. Chargées électriquement, elles peuvent ainsi atteindre des vitesses extrêmement élevées. Dans le LHC, qui est la plus longue piste de course du monde, les particules frôlent la vitesse de la lumière (à 99,99999991%) et effectuent 11 245 fois le tour en une seconde.
Et pourquoi l’appelle-t-on « collisionneur » ? Une fois de plus, l’attribution du nom a été bien faite. Parce que le collisionneur a pour but de créer des collisions entre les particules afin de produire d’autres particules dans des conditions extrêmes de vitesse et de chaleur.
Entrons dans le détail du LHC
Vous êtes toujours là ? Bien. Laissez le cerveau branché, surtout, parce que ça se complique. Le Grand collisionneur de hadrons n’est pas une machine isolée : l’anneau principal est alimenté par une succession d’accélérateurs interconnectés. L’idée, c’est que les particules sont accélérées progressivement, et constituées en faisceaux, au fil de quatre anneaux de plus en plus grands avant d’être injectées dans le Big One.
Dans l’accélérateur, les particules sont « guidées » tout au long du chemin par des électroaimants supraconducteurs. Ce terme effrayant ne signifie pas qu’on a affaire à d’excellents chauffeurs ! Les supraconducteurs « conduisent » l’électricité sans résistance, donc sans perte d’énergie. Et pour cela, ils sont maintenus à une température plus basse que celle du vide spatial, -271,3°C. Idéal en cas de canicule.
Guidés dans l’anneau, les faisceaux de particules entrent en collision. Mais pas n’importe où : au niveau des quatre grands détecteurs, qui chacun servent à des expériences spécifiques : ATLAS, CMS, ALICE et LHCb. Ce sont eux qui enregistrent les résultats et observent les nouvelles particules qui résultent des collisions.
Mais à quoi bon ?
Le LHC, comme tous les accélérateurs de particules, est un instrument indispensable aux spécialistes de la physique des particules. Ce champ de la physique étudie les constituants fondamentaux de la matière, ces particules qui font que tout ce qui nous entoure – vous, moi, l’ordinateur sur lequel vous lisez cet article – existe bel et bien.
Depuis plus de quatre décennies, le Modèle Standard décrit le comportement des particules fondamentales et les quatre forces qui s’exercent entre elles – nucléaire forte et faible, électromagnétique, gravitation. Peu à peu, les accélérateurs et les détecteurs mettent en évidence les prédictions édictées par le Modèle Standard, qui peu ou proue se résume à une série d’équations.
Le Modèle Standard nous permet de comprendre pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien, ou la formation et le fonctionnement de l’Univers. Mais nombre de questions restent en suspens : pourquoi la gravité est-elle si faible ? Comment relier le monde astrophysique et la mécanique quantique, si différents ? Qu’est-ce que la matière noire ? Comment expliquer le succès de Justin Bieber ?
Nous autres scientifiques, nous bosons dur !
Au cœur du LHC, les scientifiques, en envoyant les particules se rentrer dedans à une vitesse proche de celle de la lumière, recréent les conditions originelles de l’Univers – quelques secondes après le Big Bang. Et tentent de voir ce qui a bien pu se passer à cet instant T très particulier, qui échappe encore à l’habileté des cosmologistes.
Indispensable, donc, ce Grand collisionneur de particules, désormais en quête de deux farceuses qui ne cessent de fuir nos observations : la matière noire et l’énergie sombre, qui constitueraient respectivement 27 et 67% de la matière totale du cosmos. Autant dire que nous ne connaissons en réalité qu’environ 5% de la matière de l’Univers.
Indispensable, c’est certain, cet instrument qui pourrait bien un jour ou l’autre nous révéler les secrets les plus intimes de l’Univers. Secrets que, sans doute, seulement quelques types dans le monde pourront tout à fait comprendre !