Depuis les années 80, le plus torturé des super-héros promène sa cape et ses gadgets sur nos consoles de jeux vidéo, au gré des publications de comics, des sorties de films et des diffusions des diverses séries télévisées. Voici le récit d’une histoire qui dure depuis une trentaine d’années, depuis Batman (1986) jusqu’à Batman : Arkham Knight (2015).
Quand le chauve sourit
De nombreux fans de comics vous diront la même chose : Batman est définitivement leur super-héros préféré. Le personnage double créé par DC Comics, partagé entre le milliardaire Bruce Wayne le jour et l’homme chauve-souris la nuit, hante depuis plusieurs décennies l’imaginaire collectif. Son passage sur grand écran était inévitable, tout comme son adaptation en jeux vidéo.
Son histoire vidéoludique est riche : Batman a existé sur toutes les plates-formes, primitives (Amstrad, Commodore 64…), anciennes (NES, Super NES, Megadrive…) et récentes (PS3, PS4, XBox 360, etc.). Ses adaptations ont puisé successivement dans les volumes du comics, dans la série télévisée kitsch des années 60, dans les diverses séries animées et, bien entendu, dans les versions produites pour le grand écran.
Ses fortunes ont été aussi variées que ses occurrences, et le personnage a sacrément changé entre ses premiers pas à la fin des années 80 et la série récente, et acclamée, des Arkham. mais les meilleurs jeux n’ont pas toujours été ceux que l’on imagine. On vous propose ici une brève histoire des jeux vidéo Batman, pour que vous puissiez vous retrouver un minimum dans la jungle de Gotham.
Les premiers temps
Superman a été le premier super-héros à avoir droit à son adaptation en jeu vidéo, en 1979 sur Atari 2600. Batman suit ses traces en 1986 dans un jeu édité par Ocean Software et développé par Bernie Drummond et Jon Ritman. Mais, bien sûr, limite technique de l’époque oblige, le jeu n’a pas grand-chose à voir avec les récents Arkham sur consoles nouvelle génération.
Tout en 3D isométrique (une 3D artificielle créée par la seule perspective : on voit le personnage et les décors de trois-quarts haut), Batman a pourtant marqué les esprits. Très avancé techniquement pour son temps, il joue la carte de l’action-aventure dans des décors tout en couleurs, surtout dans sa version pour Amstrad CPC (il a été développé à l’origine pour la ZX Spectrum).
Chaque pièce propose un puzzle différent et assez retord, jusqu’à ce que Batman parvienne à réunir toutes les pièces de son batcraft. Détail amusant : la musique est tirée du générique de la série télé des années 60 (oui, oui, la série kitsch à souhait !).
Deux ans plus tard, Ocean récidive avec Batman : The Caped Crusader, adapté sur à peu près toutes les plates-formes de l’époque (Amstrad, Amiga, Apple II, Commodore 64, etc.). Présenté cette fois en 2D classique, donc vu de côté, le jeu s’inspire à la fois de la série télé et du comics – partagé entre l’humour du premier et la gravité du second.
Jeux vidéo Batman et films hollywoodiens
En 1989, Tim Burton réalise l’impossible : une version cinéma de Batman qui non seulement respecte le comics original, mais se nourrit de l’imaginaire de son réalisateur pour créer un univers à la fois excitant et angoissant. Warner, le studio qui produit, en sera tellement content (et les recettes tellement importantes) qu’il insistera pour que Burton s’occupe de sa suite : Batman le défi (1992).
Bien sûr, le monde du jeu vidéo ne laisse pas passer une telle occasion. Batman : the Movie, sorti également en 1989 sur la totalité des plates-formes, est l’ultime Batman développé par Ocean. Alors que la plupart des adaptations de films en jeux sont plutôt médiocres, celle-ci est unanimement encensée par la critique et validée par les joueurs, qui achètent en masse.
Mais puisque l’Amstrad, la Commodore et consorts n’occupent plus seules le terrain du jeu vidéo, rattrapées par les consoles japonaises conçues par Nintendo et Sega, Sunsoft développe une version pour NES, Game Boy, Megadrive et PC Engine. Ce Batman-là s’éloigne quelque peu du film pour proposer une aventure à mi-chemin entre Burton et l’œuvre de DC Comics.
Batman : le défi accouchera d’encore plus de versions : 9 titres différents pour un même film ! L’adaptation Super NES a marqué les esprits : dans ce beat them all (littéralement : « frappez les tous ») volontiers angoissant, Batman part à la poursuite du Pingouin en castagnant tout ce qui bouge sur son passage.
Cape ou pas cape ?
A mauvais film, mauvais jeux : c’est quasiment mathématique. Pas étonnant, donc, à ce que les jeux adaptés de Batman Forever (1995) et Batman et Robin (1998), les deux films les plus honnis des fans de super-héros, soient tous à peu près aussi inutiles, laids et poussifs les uns que les autres.
Le jeu Batman & Robin sur Playstation, édité par Acclaim et Warner, est réputé pour être la mère des ratages vidéoludiques. Ce jeu est le résultat d’un véritable miracle : il parvient à faire pire encore que le film, qui pourtant bat déjà des records d’ignominie. Il est tellement mauvais, tellement inacceptable, que dans certains pays offrir ce jeu à un enfant est apparenté à un crime au dernier degré.
Batman & Robin accumule les tares : d’une laideur abominable, il est en outre injouable et illustré par une musique si insupportable qu’elle fait passer du Enrique Iglesias pour du Mozart (promis : vous supplierez qu’on vous passe une chanson d’Enrique plutôt que la BO de ce jeu). La 3D est ignoble et il est impossible de jouer plus de trois secondes avec Robin ou Batgirl, les pires personnages de jeux vidéo de l’histoire.
Jeux vidéo Batman : les réussites
Ne désespérez pas : Batman n’est pas décédé avec les films de Joel Schumacher, ni avec les jeux qui en furent tirés. Il a survécu de deux manières : d’abord, en revenant au cinéma dans une version plus sombre et plus réaliste, prise en main par Christopher Nolan. Batman Begins (2005), The Dark Knight (2008) et The Dark Knight Rises (2012) ont mis les points sur les « i ».
Ensuite, en retrouvant sa place dans l’univers des jeux vidéo de la meilleure des façons. La firme aux petites briques en plastique a ouvert le bal avec son Lego Batman (2008), après avoir montré la voie magistralement avec Lego Star Wars et Lego Indiana Jones. Le plastique, c’est fantastique, et cette adaptation l’est tout autant, dans une atmosphère volontiers ludique et colorée.
Puis, ce fut la consécration avec Batman : Arkham Asylum (2009) sur PS3, Xbox 360, PC et Mac, édité par Eidos et développé par Rocksteady. Le jeu, adoubé par les fans et les critiques réunis, qui a changé à jamais le destin de Batman dans le monde des jeux vidéo. Système de combat super malin (appelé « Free Flow », pour passer d’un ennemi à l’autre avec aisance), décors sublimes, scénario extra.
Cette adaptation et ses suites – Arkham City (2011), Arkham Origins (2013) et Arkham Knight (2015) – puisent directement dans l’univers visuel obscur et réaliste développé par les films de Nolan, repoussant les limites des consoles sur lesquelles elles ont élu domicile.
Du premier Batman en 1986 jusqu’à 2015, ce fut donc une drôle d’histoire, faite de rires et de pleurs, de triomphes et de ratages incroyables – une histoire résumée à travers ce zapping. Qui, nul doute, se poursuivra pendant un bon nombre d’années. Car, après tout, nous avons toujours besoin, comme les habitants de Gotham, de l’homme chauve-souris.